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Vers une régulation des plateformes numériques collaboratives


La question de la mise en œuvre d’un régime de responsabilité spécifique aux plateformes numériques collaboratives est actuellement à l’étude au niveau européen. Dans cette attente, la régulation de leur activité passe par l’instauration d’obligations de transparence et de loyauté.


La pratique jurisprudentielle montre que la tendance consiste pour les opérateurs de plateformes à s’abriter sous le régime de responsabilité allégée des hébergeurs qui exclut l’obligation pour ces derniers de surveiller et contrôler les agissements de leurs utilisateurs ainsi que les contenus qu’ils mettent en ligne (article 6 de la LCEN). Seule obligation pour ne pas voir leur responsabilité engagée : procéder au prompt retrait de tout contenu dès qu’ils ont eu connaissance de leur caractère illicite.

Le bénéfice de ce régime de responsabilité allégée ne sera accordé à l’exploitant d’une plateforme d’intermédiation que dans l’hypothèse où ce dernier aura adopté un comportement passif à l’égard des contenus qu’il stocke, impliquant l'absence de connaissance ou de contrôle desdits contenus. Ce régime juridique semble donc inadapté aux éditeurs de plateformes numériques dont la tendance consiste de plus en plus à se positionner comme tiers de confiance, jouant un rôle actif dans les relations nouées entre leurs utilisateurs (services d’assistance associés, médiation, modération des annonces, etc).

Comme le soulève Pascal Terrasse dans son rapport au 1er Ministre sur l’économie collaborative de février 2016, l’absence de régime de responsabilité adapté aux plateformes numériques collaboratives pourrait « être préjudiciable au développement de l’économie collaborative si elle devait inciter les plateformes à modérer leur intervention afin de pouvoir se placer sous le régime de la responsabilité limitée. »

des obligations renforcées

Dans l’attente du résultat du processus européen relatif au marché unique numérique, les obligations de transparence et de loyauté mises à la charge des opérateurs de plateforme en France semblent être en passe d’être renforcées.

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques est en effet venue instaurer une obligation pour les opérateurs de plateformes de délivrance d’une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d'utilisation de leur service d'intermédiation, leurs modalités de référencement des offres mises en ligne, la qualité de professionnel ou particulier de leurs utilisateurs ou encore sur les droits et obligations de ces derniers en matière civile et fiscale (article L 111-5 du code de la consommation). Les modalités et le contenu de cette obligation d’information doivent encore être fixés par un décret d’application.

Dans son avis du 28 janvier 2016, le Conseil National de la Consommation est venu renforcer cette obligation d’information en imposant d’informer l’utilisateur sur (i) la rémunération de la plateforme, (ii) le droit applicable à la relation nouée entre les utilisateurs et aux services proposés, (iii) les assurances ou encore (iv) les obligations fiscales des utilisateurs nées de leurs transactions en ligne. Cet avis, qui n’a pas de valeur juridique contraignante, doit servir de base à la préparation du décret d’application de l’article L 111-5 du code de la consommation.

Le projet de loi pour une République numérique adopté en première lecture le 3 mai dernier vient quant à lui d’introduire de nouvelles obligations pour les plateformes numériques collaboratives dont on ne citera que les plus impactantes :

- adresser à l’administration fiscale une déclaration automatique et sécurisée des revenus de leurs utilisateurs,
- prendre toutes les mesures raisonnables, adéquates et proactives afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de produits contrefaisants ;
- pour les plateformes de location d’hébergement, bloquer pendant un an toute transaction relative à une résidence principale ayant été louée plus de 120 jours sur une année et transmettre chaque année aux communes concernées la liste des transactions bloquées.

Si elles sont adoptées, ces nouvelles dispositions seraient de nature à conférer un rôle actif aux opérateurs de plateformes quant au contrôle de la licéité des pratiques de leurs utilisateurs. Nul doute que le bénéfice du régime de responsabilité allégée ne pourra plus alors être invoqué par les opérateurs de plateforme. L’instauration d’un régime de responsabilité spécifique à ces acteurs économiques aurait le mérite de leur permettre d’identifier clairement le cadre légal applicable à leur activité et leurs obligations en découlant.

Ces dispositions étant actuellement vivement critiquées par les principaux acteurs du marché concernés, l’incertitude demeure sur les suites qui seront données à ces mesures.

Les Vendredis de l'IT n°89 du 13 mai 2016

Rédigé par Charlotte de Dreuzy le Mardi 24 Mai 2016

        

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