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Vers une nouvelle victoire pour le lien hypertexte


La fourniture d’un lien hypertexte renvoyant vers des contenus protégés par le droit d’auteur, librement disponibles, et dont la mise à disposition a été autorisée par le titulaire des droits, ne constitue pas une « communication au public » (au sens de l’article 3§1 de la directive 2001/29/CE), faute de « public nouveau ». Cette solution a été posée par l’arrêt Svensson (C-466/12, 13/02/2014) de la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») et confirmée, dans le cas précis de la « transclusion » par l’ordonnance BestWater (C-348/13, 21/10/2014). Mais qu’en est-il lorsque le contenu protégé a été publié sur le site d’origine, sans autorisation ? C’est à cette question que l’avocat général, Melchior Wathelet, répond dans ses conclusions présentées à la CJUE le 7 avril 2016 (Affaire C-160/15).


L’affaire oppose l’éditeur de la revue Playboy, Sanoma, à l’exploitant du site « GeenStijl », GS Media. Ce dernier y a publié un lien hypertexte renvoyant vers un site australien sur lequel étaient stockées des photographies, propriété de Sanoma, sans son accord. A la suite de la suppression des photographies sur le site d’origine, GS Media a fourni de nouveaux liens hypertextes, renvoyant vers ces mêmes photographies, stockées sur d’autres sites internet, toujours sans autorisation.

L’action est arrivée jusqu’à la Cour Suprême des Pays-Bas, qui a considéré qu’il n’était pas possible de déduire de la jurisprudence de la CJUE, l’existence d’une « communication au public », lorsque les contenus sont librement disponibles, sans l’accord du titulaire des droits. Elle a décidé de poser six questions préjudicielles à la Cour de Justice, lui demandant en substance si la fourniture d’un lien hypertexte renvoyant vers un contenu protégé par le droit d’auteur et mis en ligne sans l’autorisation du titulaire des droits, constitue une « communication au public », nécessitant l’autorisation des titulaires des droits (1a) et quelle est l’incidence sur cette réponse lorsque : l’œuvre a, un jour, été mise à disposition avec autorisation (1b), celui qui place l’hyperlien a connaissance du caractère contrefaisant du contenu (1c), le contenu n’est pas « simplement » accessible et le lien facilite sa découverte (2a), celui qui place le lien a connaissance du caractère «difficilement accessible» du contenu (2b), d’autres circonstances existent (3).

L’avocat général commence par rappeler que la CJUE a jugé que la fourniture d’un lien hypertexte vers une œuvre protégée, librement disponible sur un autre site, est un « acte de communication », mais qu’elle n’est pas une communication à « un public nouveau, c’est-à-dire un public n’ayant pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur, lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale au public ». Il prend ensuite le contrepied de cette décision en estimant que la fourniture d’un lien hypertexte vers des contenus librement disponibles (à savoir des contenus auxquels chaque internaute peut accéder sans restriction, par exemple sans mot de passe ou souscription d’un abonnement) ne constitue pas un « acte de communication », car l’intervention de celui qui fournit le lien n’est pas « indispensable » pour assurer la mise à disposition des contenus. Il est précisé que le fait de faciliter l’accès aux contenus n’est pas un critère pertinent : seul compte le contournement, ou non, de mesures de restriction. En outre, le critère du public « nouveau » est inapplicable lorsque le titulaire des droits n’a pas autorisé la communication initiale.

Pour l’avocat général, tant que les contenus sont « librement » accessibles sur les sites tiers, le placement des liens hypertextes ne constitue pas une communication au public, que le contenu soit contrefaisant ou non, peu importe les motivations derrière la fourniture du lien hypertexte (GS Media accompagnait les liens de messages provocants) ou la connaissance du caractère illicite du contenu (GS Media en avait été informée par Sanoma).

Toute autre interprétation de la notion de « communication au public » « entraverait considérablement le fonctionnement d’Internet et porterait atteinte à l’un des objectifs principaux de la directive, à savoir le développement de la société de l’information en Europe ». Cette lecture est empreinte de pragmatisme, car, si en l’espèce GS Media ne pouvait exciper d’une bonne foi, les internautes n’ont généralement pas les moyens de vérifier si les pages auxquelles ils renvoient, via leur lien hypertexte, contiennent des contenus protégés par le droit d’auteur dont la communication a été autorisée ou non.

Les conclusions de l’avocat général ne liant pas la Cour, sa décision est attendue avec le plus grand intérêt.

Les Vendredis de l'IT n°88

Rédigé par Sophie de Marez Oyens le Mardi 17 Mai 2016

        

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