Dans cette décision, la Cour d’appel de Versailles a ordonné le transfert de noms de domaine au profit du département de Saône-et-Loire (le « Département ») pour absence d’intérêt légitime et contrefaçon de marque. Cette décision, qui s’inscrit dans la tendance actuelle, nous donne l’occasion de rappeler le régime applicable à la protection du nom des collectivités territoriales.
I- Régime applicable à la protection du nom des collectivités territoriales
En matière de marques
L’article L711-4 h) du Code de la propriété intellectuelle reconnait aux collectivités territoriales un droit sur leur nom, et fait interdiction à un tiers de déposer une marque qui porte atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale.
Cependant, le droit au nom des collectivités territoriales n’est pas absolu. En effet, l’article L711-4 h) du Code de la propriété intellectuelle n’interdit pas aux tiers de déposer une marque identique ou apparentée au nom d’une collectivité territoriale, de manière générale, mais seulement lorsqu’il en résulte une atteinte aux intérêts publics (1).
La loi Hamon du 17 mars 2014 et son décret d’application ont renforcé la protection des collectivités territoriales sur leur nom. Désormais, les collectivités territoriales bénéficient d’un droit d’alerte (2) et d’opposition, sans avoir pour autant à disposer d’un droit sur une marque antérieure, qui leur permettent de conserver la maîtrise de leur dénomination et d’éviter une appropriation privative de celle-ci.
Une protection indirecte des dénominations des collectivités territoriales peut également apparaître en lien avec un territoire ou un savoir-faire local, notamment dans le cadre des indications de provenance ou AOC (Appellations d’Origine Contrôlée).
En matière de noms de domaine
La protection du nom des collectivités territoriales est également envisagée en matière de noms de domaine.
Depuis la loi du 9 juillet 2004 et son décret d'application du 6 février 2007, en dépit de l’application de la règle
« premier arrivé, premier servi » régissant l’enregistrement des noms de domaine, les noms de domaine en « .fr » contenant le nom d'une collectivité territoriale font l'objet d'un examen préalable de la part de l'AFNIC (3) . Initialement, cet examen préalable avait pour but de protéger les collectivités territoriales contre tout dépôt de nom de domaine postérieur identique ou très proche, et ce, sans condition.
Aujourd’hui, au terme de l’article L45-2 du Code des postes et communications électroniques (modifié par la loi du 22 mars 2011), l’enregistrement ou le renouvellement d’un nom de domaine peut être refusé, notamment, s’il porte atteinte à un droit de propriété intellectuelle ou s’il est identique ou apparenté au nom de domaine d’une collectivité territoriale, « sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi ».
Les notions d’intérêt légitime et de bonne foi ont été définies par l’article R.20-44-46 du Code des postes et communications électroniques :
• L’intérêt légitime suppose d’utiliser le nom de domaine dans le cadre d’une offre de biens ou de services, d’être connu sous ce nom de domaine ou encore d’en faire un usage non commercial.
• La bonne foi est caractérisée lorsque le nom de domaine n’a pas été enregistré en vue de le vendre, le louer ou le céder à une collectivité territoriale, de tirer profit de la renommée ou de nuire à la réputation du titulaire d’un intérêt légitime ou d’un droit reconnu sur ce nom.
L’article L711-4 h) du Code de la propriété intellectuelle reconnait aux collectivités territoriales un droit sur leur nom, et fait interdiction à un tiers de déposer une marque qui porte atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale.
Cependant, le droit au nom des collectivités territoriales n’est pas absolu. En effet, l’article L711-4 h) du Code de la propriété intellectuelle n’interdit pas aux tiers de déposer une marque identique ou apparentée au nom d’une collectivité territoriale, de manière générale, mais seulement lorsqu’il en résulte une atteinte aux intérêts publics (1).
La loi Hamon du 17 mars 2014 et son décret d’application ont renforcé la protection des collectivités territoriales sur leur nom. Désormais, les collectivités territoriales bénéficient d’un droit d’alerte (2) et d’opposition, sans avoir pour autant à disposer d’un droit sur une marque antérieure, qui leur permettent de conserver la maîtrise de leur dénomination et d’éviter une appropriation privative de celle-ci.
Une protection indirecte des dénominations des collectivités territoriales peut également apparaître en lien avec un territoire ou un savoir-faire local, notamment dans le cadre des indications de provenance ou AOC (Appellations d’Origine Contrôlée).
En matière de noms de domaine
La protection du nom des collectivités territoriales est également envisagée en matière de noms de domaine.
Depuis la loi du 9 juillet 2004 et son décret d'application du 6 février 2007, en dépit de l’application de la règle
« premier arrivé, premier servi » régissant l’enregistrement des noms de domaine, les noms de domaine en « .fr » contenant le nom d'une collectivité territoriale font l'objet d'un examen préalable de la part de l'AFNIC (3) . Initialement, cet examen préalable avait pour but de protéger les collectivités territoriales contre tout dépôt de nom de domaine postérieur identique ou très proche, et ce, sans condition.
Aujourd’hui, au terme de l’article L45-2 du Code des postes et communications électroniques (modifié par la loi du 22 mars 2011), l’enregistrement ou le renouvellement d’un nom de domaine peut être refusé, notamment, s’il porte atteinte à un droit de propriété intellectuelle ou s’il est identique ou apparenté au nom de domaine d’une collectivité territoriale, « sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi ».
Les notions d’intérêt légitime et de bonne foi ont été définies par l’article R.20-44-46 du Code des postes et communications électroniques :
• L’intérêt légitime suppose d’utiliser le nom de domaine dans le cadre d’une offre de biens ou de services, d’être connu sous ce nom de domaine ou encore d’en faire un usage non commercial.
• La bonne foi est caractérisée lorsque le nom de domaine n’a pas été enregistré en vue de le vendre, le louer ou le céder à une collectivité territoriale, de tirer profit de la renommée ou de nuire à la réputation du titulaire d’un intérêt légitime ou d’un droit reconnu sur ce nom.
II- Une application jurisprudentielle didactique et conforme à la tendance actuelle
En l’espèce, la société Dataxy (la « Société »), agence web et bureau d’enregistrement des noms de domaine accrédité par l’AFNIC, a enregistré le 7 juin 2004 les noms de domaines <saone-et-loire> et <saoneetloire.fr> et les a renouvelés en 2012. La Société a également bénéficié de la possibilité d’enregistrer prioritairement ces deux noms de domaine avec accent, et a en conséquence demandé l’enregistrement, en 2012, du nom de domaine <saône-et-loire.fr>.
Le 13 mars 2006, le Département a sollicité l’enregistrement de cinq noms de domaine, dont les noms de domaine <saone-et-loire> et <saoneetloire.fr> qui lui ont été refusés étant déjà enregistrés par la Société.
Parallèlement, en 2011, le Département a déposé la marque française semi-figurative « saône-et-loire LE DEPARTEMENT » (la « Marque ») enregistrée sous le numéro 11/3827089 pour désigner, notamment, des services de publicité, gestion commerciale, diffusion d’annonces publicitaires.
Après plusieurs courriers adressés à la société pour obtenir le transfert des noms de domaine <saone-et-loire>, <saoneetloire.fr> et <saône-et-loire> (les « Noms de domaine »), en vain, le Département a formulé trois requêtes dites « Syreli » (4) auprès de l’AFNIC, qui, sur le fondement des articles L45-2-2°), L-45-2-3°) et L45-6 du Code des postes et communications électroniques, a ordonné le transfert du nom de domaine <saône-et-loire> mais a refusé le transfert des noms de domaines <saone-et-loire> et <saoneetloire.fr>, au motif qu’il n’était pas établi que la Société les aurait enregistrés dans le but de profiter de la renommée de la collectivité territoriale en créant une confusion dans l’esprit du consommateur.
Le Tribunal de grande instance de Nanterre a infirmé partiellement les décisions de l’AFNIC en ordonnant également le transfert des noms de domaine <saone-et-loire> et <saoneetloire.fr>.
Dans sa décision du 14 mars dernier, la Cour d’appel de Versailles a confirmé l’annulation prononcée par le Tribunal de grande instance de Nanterre et a ordonné le transfert de l’ensemble des noms de domaine au profit du Département au motif de :
• L’absence d’intérêt légitime, sur le fondement des articles L45-2 et R 20-44-46 du Code des postes et communications électroniques. En effet, la Cour retient que la Société n’était pas connue sous un nom identique ou apparenté au nom de domaine lors du dépôt, pas plus qu’elle ne proposait d’offre de biens et de services localisée dans la zone géographique du Département justifiant l’enregistrement et le renouvellement des Noms de domaine en 2012.
Et
• L’existence d’actes de contrefaçon du fait de l’imitation de la Marque par le nom de domaine <saône-et-loire> dès lors que la reprise de la dénomination « saône et loire » au sein du nom de domaine <saône-et-loire>, conjuguée à l’identité ou la similarité des services, était de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur au sens de l’article L713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle. (5)
Le 13 mars 2006, le Département a sollicité l’enregistrement de cinq noms de domaine, dont les noms de domaine <saone-et-loire> et <saoneetloire.fr> qui lui ont été refusés étant déjà enregistrés par la Société.
Parallèlement, en 2011, le Département a déposé la marque française semi-figurative « saône-et-loire LE DEPARTEMENT » (la « Marque ») enregistrée sous le numéro 11/3827089 pour désigner, notamment, des services de publicité, gestion commerciale, diffusion d’annonces publicitaires.
Après plusieurs courriers adressés à la société pour obtenir le transfert des noms de domaine <saone-et-loire>, <saoneetloire.fr> et <saône-et-loire> (les « Noms de domaine »), en vain, le Département a formulé trois requêtes dites « Syreli » (4) auprès de l’AFNIC, qui, sur le fondement des articles L45-2-2°), L-45-2-3°) et L45-6 du Code des postes et communications électroniques, a ordonné le transfert du nom de domaine <saône-et-loire> mais a refusé le transfert des noms de domaines <saone-et-loire> et <saoneetloire.fr>, au motif qu’il n’était pas établi que la Société les aurait enregistrés dans le but de profiter de la renommée de la collectivité territoriale en créant une confusion dans l’esprit du consommateur.
Le Tribunal de grande instance de Nanterre a infirmé partiellement les décisions de l’AFNIC en ordonnant également le transfert des noms de domaine <saone-et-loire> et <saoneetloire.fr>.
Dans sa décision du 14 mars dernier, la Cour d’appel de Versailles a confirmé l’annulation prononcée par le Tribunal de grande instance de Nanterre et a ordonné le transfert de l’ensemble des noms de domaine au profit du Département au motif de :
• L’absence d’intérêt légitime, sur le fondement des articles L45-2 et R 20-44-46 du Code des postes et communications électroniques. En effet, la Cour retient que la Société n’était pas connue sous un nom identique ou apparenté au nom de domaine lors du dépôt, pas plus qu’elle ne proposait d’offre de biens et de services localisée dans la zone géographique du Département justifiant l’enregistrement et le renouvellement des Noms de domaine en 2012.
Et
• L’existence d’actes de contrefaçon du fait de l’imitation de la Marque par le nom de domaine <saône-et-loire> dès lors que la reprise de la dénomination « saône et loire » au sein du nom de domaine <saône-et-loire>, conjuguée à l’identité ou la similarité des services, était de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur au sens de l’article L713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle. (5)
Enfin, la Cour d’appel a octroyé (i) 25.000 Euros de dommages-intérêts au Département, dont 20.000 Euros au titre de l’atteinte portée au nom de cette collectivité territoriale et (ii) 10.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
La Cour n’hésite donc pas à sanctionner fermement les tiers usurpateurs et à les condamner au versement de dommages intérêts importants. L’octroi d’une telle indemnité s’inscrit dans la volonté de renforcer la protection du nom des collectivités territoriales.
(1) Chambre commerciale, 23 juin 2009, PIBD 2009.III.1354
(2) Le droit d’alerte est prévu à l’article L712-2-1 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que « Toute collectivité territoriale ou tout établissement public de coopération intercommunale peut demander à l’Institut National de la Propriété Industrielle d’être alerté en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant sa dénomination, dans des conditions fixées par décret ». Plus de 100 collectivités se sont déjà inscrites auprès de l’INPI pour bénéficier de ce service de veille entièrement gratuit.
(3) L’AFNIC est une association loi de 1901. Elle a pour mission de gérer les domaines Internet nationaux (.fr) de premier niveau de France
(4) La procédure SYRELI est un mode de règlement alternatif des conflits qui vise à permettre la suppression ou le transfert d’un nom de domaine de façon extra-judiciaire, comme la procédure UDRP devant l’OMPI pour les noms de domaine aux autres extensions génériques.
(5) L’article L713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires ».
La Cour n’hésite donc pas à sanctionner fermement les tiers usurpateurs et à les condamner au versement de dommages intérêts importants. L’octroi d’une telle indemnité s’inscrit dans la volonté de renforcer la protection du nom des collectivités territoriales.
(1) Chambre commerciale, 23 juin 2009, PIBD 2009.III.1354
(2) Le droit d’alerte est prévu à l’article L712-2-1 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que « Toute collectivité territoriale ou tout établissement public de coopération intercommunale peut demander à l’Institut National de la Propriété Industrielle d’être alerté en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant sa dénomination, dans des conditions fixées par décret ». Plus de 100 collectivités se sont déjà inscrites auprès de l’INPI pour bénéficier de ce service de veille entièrement gratuit.
(3) L’AFNIC est une association loi de 1901. Elle a pour mission de gérer les domaines Internet nationaux (.fr) de premier niveau de France
(4) La procédure SYRELI est un mode de règlement alternatif des conflits qui vise à permettre la suppression ou le transfert d’un nom de domaine de façon extra-judiciaire, comme la procédure UDRP devant l’OMPI pour les noms de domaine aux autres extensions génériques.
(5) L’article L713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires ».