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Office du juge précontractuel : une sanction adaptée et proportionnée


Par sa décision n° 350153 du 30 septembre 2011, le Conseil d’Etat sanctionne partiellement la passation d’un marché public en constatant l’irrégularité de la procédure à compter de la seule phase de sélection des offres.


Le département de la Haute-Savoie a passé, par appel d’offres ouvert, un marché public pour la réalisation de travaux de protection contre les chutes de blocs de pierre sur le réseau routier. Les clauses techniques imposaient, donc, la fourniture d’écrans de protection.

Un candidat évincé, dont l’offre a été classée en deuxième position, introduit un référé précontractuel devant le tribunal administratif de Grenoble. Il soutient que l’offre de kits de protection de l’attributaire méconnaît la réglementation applicable et, notamment, le décret n° 92-647 du 8 juillet 1992 concernant l’aptitude à l’usage des produits de construction et l’arrêté du 30 juin 2008 portant application de ce décret à certaines protections en kit contre les éboulements.

Le juge du précontractuel, après avoir entendu seulement la société évincée et le pouvoir adjudicateur, seules parties à l’instance, constate la méconnaissance de la réglementation applicable par l’offre de l’attributaire (absent de l’instance) et, sur ce motif, annule l’ensemble de la procédure de passation (TA Grenoble, ordonnance n° 1102555 du 31 mai 2011).

En cassation, le Conseil d’Etat juge, à titre liminaire, « que la seule circonstance que l’entreprise à laquelle avait été attribué le marché dont la procédure de passation était contestée n’a pas été appelée à l’instance engagée devant le juge des référés sur le fondement de l’article L.551-1 du code de justice administrative n’affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à l’égard de l’autre partie en défense à l’instance et ne saurait, dès lors, être utilement invoquée par celle-ci ».

Ensuite, si le juge de cassation confirme la méconnaissance, par l’offre de l’attributaire, de la réglementation en vigueur, il sanctionne la portée excessive de la décision d’annulation du premier juge qui, avec une main sans doute trop lourde a annulé la procédure de passation dans son entier. En effet, le Conseil d’Etat confirme que le département de la Haute-Savoie a bien manqué à ses obligations de mise en concurrence en retenant l’offre irrégulière de l’attributaire. Toutefois, il juge que « compte tenu du manquement ainsi relevé, qui se rapportait à la seule phase de sélection des offres par le pouvoir adjudicateur, il appartenait au juge des référés de n’annuler la procédure qu’à compter de l’examen de ces offres ; que, par suite, le juge des référés a commis une erreur de droit en annulant l’ensemble de cette procédure ».

Enfin, par un raisonnement constructif, le Conseil d’Etat précise que la circonstance que le cahier des clauses techniques particulières n’exigeait pas expressément le respect des dispositions réglementaires précitées n’est pas de nature à le rendre irrégulier. Le dossier de la consultation est donc, dans son silence, réputé prescrire le respect de la réglementation applicable.

Le Conseil d’Etat précise ainsi l’office du juge du référé précontractuel qui, constatant l’irrégularité de la procédure, est tenu de prendre une mesure proportionnée en fonction de l’intensité du manquement constaté et du stade de la procédure auquel il se rapporte, afin de remédier aux manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu’il incombe au pouvoir adjudicateur de respecter, sans pour autant porter une atteinte excessive à l’efficacité de la commande publique.

Depuis l’affaire commune d’Andeville jugée par le Conseil d’Etat le 20 octobre 2006 (n° 289234), l’on savait que cette exercice de conciliation pouvait conduire le juge du précontractuel à aller plus loin que ce qui lui est demandé, en annulant la procédure de passation alors que le requérant se bornait à lui en demander la suspension. L’arrêt rapporté ici complète la solution dans l’autre sens. Si, dans cette mesure, il n’ouvre pas sur une solution innovante, il a le grand mérite de rappeler le principe de modulation et de proportion qui sous-tend la rédaction des termes de l’article L. 551-2 du code de justice administrative : la sanction doit être adaptée, précisément mesurée et doit veiller à laisser intactes les séquences de la procédure de passation qui n’ont pas pu être contaminées par le manquement constaté.

Le département de la Haute-Savoie, qui aura appris avec plaisir, sans doute, que son dossier de consultation, bien que taisant, doit être regardé cependant comme prescrivant le respect du référentiel technique applicable, devrait donc reprendre la procédure au stade de la sélection des offres. L’on voit mal comment le candidat évincé, dont la régularité de son offre à la réglementation en vigueur n’est pas contestée, pourrait ne pas être retenu …

Rédigé par Laurent-Xavier Simonel et Mathieu Prats-Denoix le Jeudi 27 Octobre 2011

        

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