Habilitation pour la réforme du droit domanial
L’article 34 de la loi Sapin 2, qui contient une habilitation du Gouvernement à réformer le droit domanial, est né du sentiment d’inachèvement de la réforme intervenue en 2006 avec l’adoption de la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P). Les travaux préparatoires de la loi soulignent notamment les lacunes des règles applicables à l’occupation du domaine public et l’insécurité juridique affectant les transferts de propriétés opérés par les personnes publiques.
Précision du régime de la sous-occupation du domaine public
Les travaux préparatoires font le constat d’un défaut d’encadrement clair des conditions dans lesquelles des autorisations de sous-occupation du domaine public peuvent être accordées et du régime qui doit leur être appliqué, s’agissant notamment des droits octroyés au sous-occupant.
Est proposée la création d’un bloc de compétence unique au profit du juge administratif en la matière. L’article 34, 1°, de la loi Sapin 2 ne reprend pas expressément cette proposition mais habilite, plus généralement, le Gouvernement à « prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi tendant à moderniser et simplifier […] les règles d’occupation et de sous-occupation du domaine public ».
Le régime de la sous-occupation du domaine public a suscité de nombreuses questions au contentieux, qui sont autant de points qui pourront retenir l’attention du Gouvernement : la qualification du contrat, la compétence contentieuse (voir sur ce point l'article de Laurent Simonel), les conditions dans lesquelles des sous-concessions peuvent être accordées par l’occupant ou encore le régime de leur résiliation.
Est proposée la création d’un bloc de compétence unique au profit du juge administratif en la matière. L’article 34, 1°, de la loi Sapin 2 ne reprend pas expressément cette proposition mais habilite, plus généralement, le Gouvernement à « prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi tendant à moderniser et simplifier […] les règles d’occupation et de sous-occupation du domaine public ».
Le régime de la sous-occupation du domaine public a suscité de nombreuses questions au contentieux, qui sont autant de points qui pourront retenir l’attention du Gouvernement : la qualification du contrat, la compétence contentieuse (voir sur ce point l'article de Laurent Simonel), les conditions dans lesquelles des sous-concessions peuvent être accordées par l’occupant ou encore le régime de leur résiliation.
Vers la mise en concurrence de l’attribution des titres d’occupation du domaine public
L’article 34, 1° de la loi Sapin 2 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, toute mesure tendant à moderniser et simplifier « les règles d'occupation et de sous-occupation du domaine public, en vue notamment de prévoir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables applicables à certaines autorisations d'occupation et de préciser l'étendue des droits et obligations des bénéficiaires de ces autorisations ».
Cette disposition phare de la loi vient remettre en cause le silence du CG3P sur la prise en compte par le droit domanial des règles de publicité et mise en concurrence. Selon le Conseil d’Etat, c’est précisément sur ce silence des textes que s’est fondée la jurisprudence pour considérer que l’absence de mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable n’entachait pas d’irrégularité une autorisation ou une convention d’occupation d’une dépendance du domaine public (« L’action économique des personnes publiques », étude annuelle du Conseil d’Etat pour 2015, p. 196).
C’est le sens de sa décision rendue dans l’affaire du stade Jean Bouin : « aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’imposent à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation ou à la passation d’un contrat d’occupation d’une dépendance du domaine public, ayant dans l’un ou l’autre cas pour seul objet l’occupation d’une telle dépendance ; qu’il en va ainsi même lorsque l’occupant de la dépendance domaniale est un opérateur sur un marché concurrentiel » (CE, 3 décembre 2010, Ville de Paris - Association Paris Jean Bouin, n°s 338272 et 338527).
Cette solution ne préjuge donc pas de la position du Conseil d’Etat sur l’opportunité de la mise en œuvre d’une telle procédure. Pour mieux l’appréhender, il suffit de se reporter aux conclusions du rapporteur public Nathalie Escaut sur l’arrêt précité : « La question de la transparence dans l’attribution des conventions d’occupation du domaine public nous paraît en réalité relever de la responsabilité du seul législateur : elle a besoin à la fois d’une décision politique et d’une organisation textuelle précise ».
De même, dans son étude annuelle pour 2015 , le Conseil d’Etat préconisait clairement, parmi les « autres évolutions à envisager prioritairement », « de consacrer dans le droit positif une solution rendant obligatoire une telle procédure de publicité ainsi que, le cas échéant, de mise en concurrence », « afin de favoriser une meilleure valorisation du domaine ainsi qu’une compétition plus profitable entre les acteurs ».
L’article 34 de la loi Sapin 2, 1° vient donc concrétiser ces préconisations du Conseil d’Etat, soutenu en ce sens par une grande partie de la doctrine.
Les travaux préparatoires de la loi donnent la tonalité de cette évolution majeure du droit de l’occupation domaniale. L’étude d’impact vise la création d’une « procédure souple de publicité et de mise en concurrence préalable à la délivrance de titres d’occupation du domaine public » et cela seulement « dans certaines hypothèses ». Elle précise que :
- de telles obligations devraient être réservées « aux cas dans lesquels l’autorisation a pour objet de permettre l’exercice d’une activité économique sur le domaine public qui serait susceptible d’avoir une influence sur la situation du bénéficiaire sur le marché concurrentiel » ;
- la procédure n’aurait pas à être mise en œuvre dans le cas où ces formalités seraient « impossibles, manifestement inutiles, absurdes ou inopportunes » – cette exclusion emprunte, dans une conception élargie, au régime applicable aux marchés publics (1) ;
(1) L’article 30, I, 10° du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics prévoit que « Les acheteurs peuvent passer un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables […] pour les marchés publics répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure aux seuils européens, lorsque la mise en concurrence est impossible ou manifestement inutile en raison notamment de l'objet du marché public ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré ».
- en toute logique, « devraient être exclues de son champ d’application les titres d’occupation qui ne seront que « l’accessoire » de contrats de la commande publique », puisqu’en ce cas la mise en concurrence a déjà eu lieu au stade de la passation du contrat principal.
L’ordonnance attendue bouleversera sans doute l’équilibre entre liberté de gestion du maître du domaine, prise en compte de l’avantage concurrentiel que constitue le bénéfice d’un monopole dans l’exercice d’une activité économique sur le domaine public et recherche de la solution économiquement la plus avantageuse pour la collectivité publique.
Cette disposition phare de la loi vient remettre en cause le silence du CG3P sur la prise en compte par le droit domanial des règles de publicité et mise en concurrence. Selon le Conseil d’Etat, c’est précisément sur ce silence des textes que s’est fondée la jurisprudence pour considérer que l’absence de mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable n’entachait pas d’irrégularité une autorisation ou une convention d’occupation d’une dépendance du domaine public (« L’action économique des personnes publiques », étude annuelle du Conseil d’Etat pour 2015, p. 196).
C’est le sens de sa décision rendue dans l’affaire du stade Jean Bouin : « aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’imposent à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation ou à la passation d’un contrat d’occupation d’une dépendance du domaine public, ayant dans l’un ou l’autre cas pour seul objet l’occupation d’une telle dépendance ; qu’il en va ainsi même lorsque l’occupant de la dépendance domaniale est un opérateur sur un marché concurrentiel » (CE, 3 décembre 2010, Ville de Paris - Association Paris Jean Bouin, n°s 338272 et 338527).
Cette solution ne préjuge donc pas de la position du Conseil d’Etat sur l’opportunité de la mise en œuvre d’une telle procédure. Pour mieux l’appréhender, il suffit de se reporter aux conclusions du rapporteur public Nathalie Escaut sur l’arrêt précité : « La question de la transparence dans l’attribution des conventions d’occupation du domaine public nous paraît en réalité relever de la responsabilité du seul législateur : elle a besoin à la fois d’une décision politique et d’une organisation textuelle précise ».
De même, dans son étude annuelle pour 2015 , le Conseil d’Etat préconisait clairement, parmi les « autres évolutions à envisager prioritairement », « de consacrer dans le droit positif une solution rendant obligatoire une telle procédure de publicité ainsi que, le cas échéant, de mise en concurrence », « afin de favoriser une meilleure valorisation du domaine ainsi qu’une compétition plus profitable entre les acteurs ».
L’article 34 de la loi Sapin 2, 1° vient donc concrétiser ces préconisations du Conseil d’Etat, soutenu en ce sens par une grande partie de la doctrine.
Les travaux préparatoires de la loi donnent la tonalité de cette évolution majeure du droit de l’occupation domaniale. L’étude d’impact vise la création d’une « procédure souple de publicité et de mise en concurrence préalable à la délivrance de titres d’occupation du domaine public » et cela seulement « dans certaines hypothèses ». Elle précise que :
- de telles obligations devraient être réservées « aux cas dans lesquels l’autorisation a pour objet de permettre l’exercice d’une activité économique sur le domaine public qui serait susceptible d’avoir une influence sur la situation du bénéficiaire sur le marché concurrentiel » ;
- la procédure n’aurait pas à être mise en œuvre dans le cas où ces formalités seraient « impossibles, manifestement inutiles, absurdes ou inopportunes » – cette exclusion emprunte, dans une conception élargie, au régime applicable aux marchés publics (1) ;
(1) L’article 30, I, 10° du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics prévoit que « Les acheteurs peuvent passer un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables […] pour les marchés publics répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure aux seuils européens, lorsque la mise en concurrence est impossible ou manifestement inutile en raison notamment de l'objet du marché public ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré ».
- en toute logique, « devraient être exclues de son champ d’application les titres d’occupation qui ne seront que « l’accessoire » de contrats de la commande publique », puisqu’en ce cas la mise en concurrence a déjà eu lieu au stade de la passation du contrat principal.
L’ordonnance attendue bouleversera sans doute l’équilibre entre liberté de gestion du maître du domaine, prise en compte de l’avantage concurrentiel que constitue le bénéfice d’un monopole dans l’exercice d’une activité économique sur le domaine public et recherche de la solution économiquement la plus avantageuse pour la collectivité publique.
Clarification du régime de la cession de biens publics
L’article 34, 2° de la loi Sapin contient une habilitation du Gouvernement à moderniser et simplifier « les règles régissant les transferts de propriété réalisés par les personnes publiques, en vue notamment de prévoir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables aux opérations de cession et de faciliter et sécuriser leurs opérations immobilières ».
D’après les travaux préparatoires de la loi, cette disposition vise à « assurer une pleine cohérence avec l’institution de procédures de publicité et de mise en concurrence avant la délivrance de certains titres d’occupation ».
D’après les travaux préparatoires de la loi, cette disposition vise à « assurer une pleine cohérence avec l’institution de procédures de publicité et de mise en concurrence avant la délivrance de certains titres d’occupation ».
Extension du mécanisme du déclassement anticipé
Le mécanisme de déclassement anticipé est un antidote à la rigidité des conditions dans lesquelles une personne publique peut céder une dépendance du domaine public. En principe, la vente d’une dépendance du domaine public ne peut intervenir qu’à la suite du déclassement de celle-ci, qui lui-même ne peut avoir lieu qu’après désaffectation factuelle du bien (article L. 2141-1 du CG3P).
Initialement réservé à l’Etat et à ses établissements publics, le mécanisme du déclassement anticipé permet de décider du déclassement d’un immeuble appartenant au domaine public artificiel de l’Etat ou de ses établissements publics « dès que sa désaffectation a été décidée, alors même que les nécessités du service public justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l’acte de déclassement » et qui ne peut excéder trois ans (article L. 2141-2 du CG3P).
Cette procédure dérogatoire peut désormais être mise en œuvre par les collectivités territoriales et leurs établissements publics qui pourront ainsi, eux aussi, « organiser le déménagement d’un site vers un autre », « assurer le financement de ce déménagement par le prix de vente » et « inscrire la vente dans un temps de négociation préalable plus long ».
La limitation organique du recours au déclassement anticipé s’expliquait, en 2006, par la conscience des dangers qu’il pouvait présenter pour les collectivités locales les plus démunies.
C’est ce qui explique que l’article 35 de la loi Sapin 2 prévoit que toute cession intervenant à la suite d’un déclassement anticipé « donne lieu, sur la base d’une étude d’impact pluriannuelle tenant compte de l’aléa, à une délibération motivée de l’organe délibérant de la collectivité territoriale, du groupement de collectivités territoriales ou de l’établissement public local auquel appartient l’immeuble cédé ».
En outre, si, dans tous les cas, en cas de vente de l’immeuble, « l’acte de vente stipule que celle-ci sera résolue de plein droit si la désaffectation n’est pas intervenue » dans le délai prévu, une précaution supplémentaire est aménagée pour les collectivités territoriales, leurs groupements et établissements publics : « l'acte de vente doit, à peine de nullité, comporter une clause organisant les conséquences de la résolution de la vente » et que «les montants des pénalités inscrites dans la clause résolutoire de l'acte de vente doivent faire l'objet d'une provision selon les modalités définies par le code général des collectivités territoriales ».
Initialement réservé à l’Etat et à ses établissements publics, le mécanisme du déclassement anticipé permet de décider du déclassement d’un immeuble appartenant au domaine public artificiel de l’Etat ou de ses établissements publics « dès que sa désaffectation a été décidée, alors même que les nécessités du service public justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l’acte de déclassement » et qui ne peut excéder trois ans (article L. 2141-2 du CG3P).
Cette procédure dérogatoire peut désormais être mise en œuvre par les collectivités territoriales et leurs établissements publics qui pourront ainsi, eux aussi, « organiser le déménagement d’un site vers un autre », « assurer le financement de ce déménagement par le prix de vente » et « inscrire la vente dans un temps de négociation préalable plus long ».
La limitation organique du recours au déclassement anticipé s’expliquait, en 2006, par la conscience des dangers qu’il pouvait présenter pour les collectivités locales les plus démunies.
C’est ce qui explique que l’article 35 de la loi Sapin 2 prévoit que toute cession intervenant à la suite d’un déclassement anticipé « donne lieu, sur la base d’une étude d’impact pluriannuelle tenant compte de l’aléa, à une délibération motivée de l’organe délibérant de la collectivité territoriale, du groupement de collectivités territoriales ou de l’établissement public local auquel appartient l’immeuble cédé ».
En outre, si, dans tous les cas, en cas de vente de l’immeuble, « l’acte de vente stipule que celle-ci sera résolue de plein droit si la désaffectation n’est pas intervenue » dans le délai prévu, une précaution supplémentaire est aménagée pour les collectivités territoriales, leurs groupements et établissements publics : « l'acte de vente doit, à peine de nullité, comporter une clause organisant les conséquences de la résolution de la vente » et que «les montants des pénalités inscrites dans la clause résolutoire de l'acte de vente doivent faire l'objet d'une provision selon les modalités définies par le code général des collectivités territoriales ».
Des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel
Dans sa décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016, le Conseil constitutionnel, saisi dans le cadre du contrôle a priori, a censuré deux des dispositions de la loi Sapin 2 en matière domaniale en tant que, introduites en première lecture, « elles ne présentent aucun lien avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale ».
Ces deux « cavaliers législatifs » concernaient des projets spécifiques ; ils visaient :
- d’une part, à adapter « les règles de la domanialité publique afin de faciliter la réalisation du projet immobilier permettant l’installation de l’institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement et de l’institut national de la recherche agronomique dans une zone d’aménagement concertée » (article 36) ;
- d’autre part, à « remettre en pleine propriété à la société Tunnel Euralphin Lyon Turin les terrains nécessaires à la réalisation de la ligne ferroviaire Lyon-Turin » et à lui conférer « les prérogatives nécessaires en matière d’expropriation pour acquérir les terrains au nom et pour le compte de l’Etat » (article 37).
Pour le reste, aucun grief d’inconstitutionnalité ne semble avoir été dirigé contre les autres dispositions de la loi Sapin 2 en matière domaniale.
Ces deux « cavaliers législatifs » concernaient des projets spécifiques ; ils visaient :
- d’une part, à adapter « les règles de la domanialité publique afin de faciliter la réalisation du projet immobilier permettant l’installation de l’institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement et de l’institut national de la recherche agronomique dans une zone d’aménagement concertée » (article 36) ;
- d’autre part, à « remettre en pleine propriété à la société Tunnel Euralphin Lyon Turin les terrains nécessaires à la réalisation de la ligne ferroviaire Lyon-Turin » et à lui conférer « les prérogatives nécessaires en matière d’expropriation pour acquérir les terrains au nom et pour le compte de l’Etat » (article 37).
Pour le reste, aucun grief d’inconstitutionnalité ne semble avoir été dirigé contre les autres dispositions de la loi Sapin 2 en matière domaniale.