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Mise à disposition des clients d’un réseau WiFi dans un magasin et violation de droit d’auteur par l’utilisateur


Un professionnel met à disposition de ses clients dans son magasin un réseau WiFi (« le Professionnel »). Un client utilise ce réseau pour télécharger illégalement une œuvre musicale. Quelle est la responsabilité du professionnel ?


Sony Music Entertainment Germany GmbH (« Sony ») avait obtenu d’une juridiction allemande qu’elle considère le Professionnel comme responsable direct de l’infraction commise et qu’il soit condamné au paiement de dommages et intérêts et autres frais. Le Professionnel a formé opposition de ce jugement, en soutenant que sa responsabilité était exclue en vertu des dispositions du droit allemand transposant l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique (« la Directive »). La juridiction de renvoi, même si elle considère que le Professionnel ne peut être tenu pour responsable direct de la contrefaçon, envisage de mettre en cause sa responsabilité indirecte au motif que son réseau WiFi n’a pas été sécurisé. Avant de se prononcer, cette juridiction a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) de plusieurs questions préjudicielles. Ces questions sont de deux ordres : d’une part, est-ce qu’un professionnel exploitant à titre accessoire un réseau WiFi public et gratuit relève du champ d’application de l’article 12 de la Directive ? ; d’autre part, si cet article est applicable, quelle interprétation convient-il de donner à la limitation de responsabilité du prestataire intermédiaire?

Ce cas revêt une portée considérable car très nombreux sont les locaux commerciaux qui permettent aux clients un accès à Internet public et gratuit. Est-ce que le simple fait de mettre à disposition un tel réseau engage la responsabilité du commerçant ?

Dans ses conclusions du 16 mars 2016, l’avocat général de la CJUE analyse les dispositions de la Directive. Il considère que, lorsqu’un opérateur économique propose un accès Internet au public, même rendu à titre gratuit, il fournit, même si c’est à titre accessoire, un service de nature économique, un « service de la société de l’information » (article 2. a) de la Directive) car si un tel service implique normalement une rémunération, au cas particulier, la gratuité du service ne doit pas faire oublier sa contrepartie qui est intégrée dans le prix des autres prestations fournies par le commerçant. L’avocat général conclut ainsi que les articles 1 a) et b) et 12 de la Directive s’appliquent à la personne qui, de manière accessoire, exploite un réseau WiFi, ouvert au public et gratuit.

Ensuite, il constate que l’article 12 limite la responsabilité des prestataires intermédiaires, lorsque leur prestation consiste en un simple transport (« mere conduit ») des informations. Cette limite de responsabilité est effective si les trois conditions suivantes sont cumulativement remplies :

• le prestataire n’est pas à l’origine de la transmission ;
• il ne sélectionne pas le destinataire de la transmission ;
• il ne sélectionne, ni ne modifie les informations faisant l’objet de la transmission.

Au cas particulier, ces conditions sont remplies et cette limite s’oppose à ce que le Professionnel soit condamné à payer, non seulement des dommages et intérêts, mais aussi les autres frais (mise en demeure, dépens). Toutefois, cette limite de responsabilité ne signifie pas que les titulaires de droits d’auteur ne puissent pas demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l'encontre des intermédiaires tels ce Professionnel, pour mettre un terme à la violation d’un droit d'auteur ou la prévenir (article 8 paragraphe 3 de la directive 2001/29). En revanche, l’avocat général conclut qu’il n’est pas possible de demander la désactivation de la connexion à Internet, sa sécurisation par un mot de passe ou encore l’examen généralisé des communications car il y va de la liberté d’expression et d’information et de la liberté d’entreprise.

Attendons avec intérêt la décision de la CJUE, mais gageons qu’elle suivra les conclusions de l’avocat général, particulièrement bien motivées et équilibrées.

Les Vendredis de l'I.T. - n°82

Rédigé par Patrick Boiron le Lundi 18 Avril 2016

        

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