Menu

Saisissez votre adresse mail pour recevoir nos articles :





Licence gratuite et risque fiscal


Par l’arrêt Ministère du Budget et de la Fonction public c/ SARL Holding Financière Séguy, n° 328762, rendu le 26 septembre dernier, le Conseil d’Etat a apporté des précisions intéressantes en matière d’acte anormal de gestion, grand classique dans les relations contractuelles notamment entre sociétés d’un même groupe.


1. Concéder une licence gratuitement est, a priori, un acte anormal de gestion.

C’est à la société qui concède gratuitement (et pas à l’administration fiscale) de démontrer que cette concession gratuite est dans son intérêt.

Si l’administration fiscale estime que les contreparties invoquées pour justifier de l’intérêt de la société sont inexistantes, elle a cependant la charge de la preuve de cette inexistence.

« (…) le fait de renoncer à obtenir une contrepartie financière lors de la signature d’une concession de licences de marque et de savoir-faire ne relève pas en règle générale d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt ; qu’il incombe à cette entreprise de justifier de l’existence de contreparties à de tels choix contractuels, tant dans leur principe que dans leur montant ; qu’il appartient ensuite à l’administration de démontrer que ces contreparties sont inexistantes, dépourvues d’intérêt pour l’entreprise ou insuffisantes ; »

2. Le fait de percevoir des dividendes de la société qui bénéficie de la licence gratuite ou de valoriser cette même société ne suffit pas à démontrer l’intérêt de la société mère.

L’argument « économique » consistant à dire que la société qui concède gratuitement valorise sa participation dans la filiale est assez couramment utilisé. Le Conseil d’Etat indique qu’il n’est a priori pas recevable.

« (..) la perception escomptée de dividendes et la valorisation potentielle des actifs ne constituent pas un mode de rémunération normale d’un contrat de concession de licences, alors même qu’elle aurait été prévue au contrat »

3. Lorsque l’administration fiscale redresse au titre de l’acte anormal de gestion en imposant la rémunération théorique que la société concédante aurait due percevoir, elle a l’obligation de démontrer que cette rémunération a été correctement estimée (indication des éléments justifiant le montant imposé).

4. Si l’administration fiscale ne peut pas démontrer la validité de son calcul de rémunération, le redressement doit être abandonné, quand bien même l’existence de l’acte anormal de gestion aurait été démontrée.

Cette dernière partie de l’arrêt est particulièrement intéressante pour d’éventuels contrôles ou contentieux en cours. Si le contribuable peine à justifier l’intérêt de l’acte, il a un deuxième moyen de défense en mettant en évidence des erreurs significatives dans la méthode de calcul de la rémunération retenue par l’administration fiscale.

« (…) l’administration n’établit pas que le montant de la rémunération de la société HFS devait être fixé à 50 % des droits d’entrée et des redevances perçus par la société DAS de ses sous-licenciés ; qu’elle n’apporte aucun autre élément permettant d’établir le montant qui pourrait être retenu pour cette rémunération ; que, dès lors et en l’absence de ces éléments, la société HFS est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé de réduire les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auxquelles elle a été assujettie à raison du redressement en litige »

5. La société a ainsi obtenu la décharge des impositions alors même que l’existence de l’acte anormal de gestion était avérée.

Naturellement, il est préférable de documenter les concessions de licences gratuites ou pour un prix faible par rapport au marché dès la conclusion de la licence (création d’un dossier détaillant l’intérêt de la société concédante en prévision d’un contrôle fiscal futur). Le contentieux fiscal devant le Conseil d’Etat prenant en moyenne 10 ans et étant relativement coûteux, obtenir gain de cause de cette manière n’est évidemment pas une solution à privilégier.

Rédigé par Nathalie Valluis le Lundi 14 Novembre 2011

        

Nouveau commentaire :
Facebook Twitter