• Dans un K-pratique mis en ligne le 27 janvier 2014, sous le titre « la protection du lanceur d’alerte, salarié de droit privé ou agent de la fonction publique », nous avions présenté la synthèse des dispositions des lois des 16 avril 2013 et 6 décembre 2013 qui avaient consacré dans le Code du travail mais aussi le statut de la fonction publique la notion de lanceur d’alerte en organisant sa protection.
Des critiques (1) s’étaient toutefois élevées à l’encontre de cette législation foisonnante manquant d’effectivité en dépit d’une jurisprudence bienveillante de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et de quelques décisions nationales.
Ainsi, dans un arrêt du 22 juin 2016 , la chambre sociale de la Cour de cassation avait décidé que la circonstance pour un salarié de porter à la connaissance du Procureur de la République des faits concernant l’entreprise qui lui paraissaient anormaux, qu’ils soient ou non susceptibles de qualification pénale, ne constituait pas, elle-même, une faute justifiant un licenciement.
• C’est dans ce contexte qu’a été promulguée la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Loi Sapin 2 dont le chapitre II (articles 6 à 16) est consacré à la protection des lanceurs d’alerte.
Les dispositions légalitaires relatives aux lanceurs d’alerte s’inspirent librement des conclusions du rapport du Conseil d’Etat « le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger », adoptées le 25 février 2016 par l’Assemblée Générale plénière de la Haute Assemblée.
Tout en rappelant que la France dispose d’ores et déjà de mécanismes de signalement, le rapport recommande en particulier la définition d’un socle commun de dispositions relatives au lanceur d’alerte afin de mieux définir son intérêt, son articulation par rapport aux autres instruments de droit commun permettant de dénoncer un fait illicite et de « responsabiliser les administrations et les entreprises en leur faisant prendre conscience de ce qu’une alerte peut révéler l’existence de dysfonctionnements graves qu’il leur appartient de corriger ».
• Dans sa décision du 8 décembre 2016 , le Conseil Constitutionnel a considéré que la définition du lanceur d’alerte donnée par l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 était suffisamment précise. Il a également jugé conforme à la Constitution les dispositions de l’article 8 qui organisent la procédure de signalement de l’alerte en trois phases successives (auprès de l’employeur puis auprès d’une autorité administrative ou judiciaire et enfin, en l’absence de traitement, auprès du public). Le Conseil Constitutionnel a cependant précisé que le champ d’application de cet article 8 se limitait aux lanceurs d’alerte procédant à un signalement visant l’organisme qui les emploie ou l’organisme auquel ils apportent leur collaboration dans un cadre professionnel. Il résulte en effet de la loi qu’elle ne s’applique pas aux lanceurs d’alerte « externes ».
(1) Eric Alt, lanceurs d’alerte : un droit en tension, JCP G 2014, Doctrine 1092
Des critiques (1) s’étaient toutefois élevées à l’encontre de cette législation foisonnante manquant d’effectivité en dépit d’une jurisprudence bienveillante de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et de quelques décisions nationales.
Ainsi, dans un arrêt du 22 juin 2016 , la chambre sociale de la Cour de cassation avait décidé que la circonstance pour un salarié de porter à la connaissance du Procureur de la République des faits concernant l’entreprise qui lui paraissaient anormaux, qu’ils soient ou non susceptibles de qualification pénale, ne constituait pas, elle-même, une faute justifiant un licenciement.
• C’est dans ce contexte qu’a été promulguée la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Loi Sapin 2 dont le chapitre II (articles 6 à 16) est consacré à la protection des lanceurs d’alerte.
Les dispositions légalitaires relatives aux lanceurs d’alerte s’inspirent librement des conclusions du rapport du Conseil d’Etat « le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger », adoptées le 25 février 2016 par l’Assemblée Générale plénière de la Haute Assemblée.
Tout en rappelant que la France dispose d’ores et déjà de mécanismes de signalement, le rapport recommande en particulier la définition d’un socle commun de dispositions relatives au lanceur d’alerte afin de mieux définir son intérêt, son articulation par rapport aux autres instruments de droit commun permettant de dénoncer un fait illicite et de « responsabiliser les administrations et les entreprises en leur faisant prendre conscience de ce qu’une alerte peut révéler l’existence de dysfonctionnements graves qu’il leur appartient de corriger ».
• Dans sa décision du 8 décembre 2016 , le Conseil Constitutionnel a considéré que la définition du lanceur d’alerte donnée par l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 était suffisamment précise. Il a également jugé conforme à la Constitution les dispositions de l’article 8 qui organisent la procédure de signalement de l’alerte en trois phases successives (auprès de l’employeur puis auprès d’une autorité administrative ou judiciaire et enfin, en l’absence de traitement, auprès du public). Le Conseil Constitutionnel a cependant précisé que le champ d’application de cet article 8 se limitait aux lanceurs d’alerte procédant à un signalement visant l’organisme qui les emploie ou l’organisme auquel ils apportent leur collaboration dans un cadre professionnel. Il résulte en effet de la loi qu’elle ne s’applique pas aux lanceurs d’alerte « externes ».
(1) Eric Alt, lanceurs d’alerte : un droit en tension, JCP G 2014, Doctrine 1092
Définition du lanceur d’alerte :
selon l’article 6 de la loi « Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».
Dans le cadre économique, la loi Sapin 2 cite notamment les infractions de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics ou encore de favoritisme.
Ce même article érige cependant certaines limites en excluant du régime de l’alerte les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client.
• Un nouvel article L122-9 est enfin inséré dans le Code pénal. Il prévoit l’irresponsabilité pénale du lanceur d’alerte pour peu que la divulgation soit nécessaire et proportionnelle à la sauvegarde des intérêts en cause et que la personne concernée réponde bien évidemment aux critères de définition du lanceur d’alerte tels que posés par la loi.
Dans le cadre économique, la loi Sapin 2 cite notamment les infractions de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics ou encore de favoritisme.
Ce même article érige cependant certaines limites en excluant du régime de l’alerte les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client.
• Un nouvel article L122-9 est enfin inséré dans le Code pénal. Il prévoit l’irresponsabilité pénale du lanceur d’alerte pour peu que la divulgation soit nécessaire et proportionnelle à la sauvegarde des intérêts en cause et que la personne concernée réponde bien évidemment aux critères de définition du lanceur d’alerte tels que posés par la loi.
Le signalement d’une alerte :
L’article 8 de la loi organise de façon séquencée le signalement d’une alerte.
Il appartient au lanceur d’alerte de porter les faits litigieux en premier lieu à la connaissance de son supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de son employeur ou d’un référent désigné par celui-ci.
En l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels. La durée du délai raisonnable dépendra évidemment des circonstances mais l’on peut regretter le flou qui entoure cette notion.
En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public, par exemple par voie de presse.
En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes précédemment mentionnés et il peut être rendu public.
Les entreprises de plus de 50 salariés doivent mettre en place une procédure de recueil des signalements par leurs salariés ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels. Dans l’attente d’un décret d’application, aucune démarche n’est pour le moment nécessaire.
De plus, toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte. La loi organique n°2016-1690, du 9 décembre 2016 elle aussi, lui donne expressément compétence en ce domaine.
Les procédures mises en œuvre pour recueillir les signalements garantissent une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement.
Il appartient au lanceur d’alerte de porter les faits litigieux en premier lieu à la connaissance de son supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de son employeur ou d’un référent désigné par celui-ci.
En l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels. La durée du délai raisonnable dépendra évidemment des circonstances mais l’on peut regretter le flou qui entoure cette notion.
En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public, par exemple par voie de presse.
En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes précédemment mentionnés et il peut être rendu public.
Les entreprises de plus de 50 salariés doivent mettre en place une procédure de recueil des signalements par leurs salariés ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels. Dans l’attente d’un décret d’application, aucune démarche n’est pour le moment nécessaire.
De plus, toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte. La loi organique n°2016-1690, du 9 décembre 2016 elle aussi, lui donne expressément compétence en ce domaine.
Les procédures mises en œuvre pour recueillir les signalements garantissent une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement.
La protection des lanceurs d’alerte
1 ) Pour les salariés du secteur privé
L’article L. 1132-3-3 du Code du travail est modifié en insérant un nouvel alinéa :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
En cas de litige relatif à l’application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou qu’elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé ».
Le code du travail se réfère donc à présent expressément au dispositif de signalement des alertes de la loi SAPIN 2. Il en est de même pour les fonctionnaires, dans le Statut de la fonction publique.
2) Pour les agents de la fonction publique
L’article 6 ter A de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est modifié en insérant des nouveaux alinéas :
« Aucun fonctionnaire ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Le fonctionnaire qui relate ou témoigne de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts de mauvaise foi ou de tout fait susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du Code pénal ».
Cf. Il est inséré un article L. 911-1-1 dans le Code de justice administrative :
« Lorsqu’il est fait application de l’article L. 911-1, la juridiction peut prescrire de réintégrer toute personne ayant fait l’objet d’un licenciement, d’un non-renouvellement de son contrat ou d’une révocation en méconnaissance du deuxième alinéa de l’article L. 4122-4 du code de la défense, du deuxième alinéa de l’article L. 1132-3-3 du code du travail ou du deuxième alinéa de l’article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, y compris lorsque cette personne était liée par une relation à durée déterminée avec la personne morale de droit public ou l’organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public ».
*
* *
* * *
La France rejoint ainsi le Royaume Uni est l’Irlande parmi les pays européens dotés d’une législation en pointe pour la protection du lanceur d’alerte dont le statut est reconnu.
Comme le relève cependant un auteur , « ce n’est toutefois qu’un socle de protection minimale, sur lequel la société civile devra développer une culture de l’alerte éthique » . : Eric Alt, Semaine Juridique, édition générale, n°4 23/01/2017 doctrine 90.
L’article L. 1132-3-3 du Code du travail est modifié en insérant un nouvel alinéa :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
En cas de litige relatif à l’application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou qu’elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé ».
Le code du travail se réfère donc à présent expressément au dispositif de signalement des alertes de la loi SAPIN 2. Il en est de même pour les fonctionnaires, dans le Statut de la fonction publique.
2) Pour les agents de la fonction publique
L’article 6 ter A de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est modifié en insérant des nouveaux alinéas :
« Aucun fonctionnaire ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Le fonctionnaire qui relate ou témoigne de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts de mauvaise foi ou de tout fait susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du Code pénal ».
Cf. Il est inséré un article L. 911-1-1 dans le Code de justice administrative :
« Lorsqu’il est fait application de l’article L. 911-1, la juridiction peut prescrire de réintégrer toute personne ayant fait l’objet d’un licenciement, d’un non-renouvellement de son contrat ou d’une révocation en méconnaissance du deuxième alinéa de l’article L. 4122-4 du code de la défense, du deuxième alinéa de l’article L. 1132-3-3 du code du travail ou du deuxième alinéa de l’article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, y compris lorsque cette personne était liée par une relation à durée déterminée avec la personne morale de droit public ou l’organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public ».
*
* *
* * *
La France rejoint ainsi le Royaume Uni est l’Irlande parmi les pays européens dotés d’une législation en pointe pour la protection du lanceur d’alerte dont le statut est reconnu.
Comme le relève cependant un auteur , « ce n’est toutefois qu’un socle de protection minimale, sur lequel la société civile devra développer une culture de l’alerte éthique » . : Eric Alt, Semaine Juridique, édition générale, n°4 23/01/2017 doctrine 90.