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L’Autorité de la concurrence promeut la culture de la concurrence dans les entreprises


« Les programmes de conformité sont des outils permettant aux acteurs économiques de mettre toutes les chances de leur côté pour éviter des infractions aux règles de concurrence. Ils reposent non seulement sur des mesures destinées à créer une culture de concurrence (formation, sensibilisation), mais aussi sur des mécanismes d’alerte, de conseil, d’audit et de responsabilisation indispensables pour créer les bons réflexes au sein des entreprises (prévention, détection et traitement des cas d’infractions possibles). L’Autorité encourage les entreprises à se doter de programmes de conformité et à y consacrer les moyens nécessaires pour en assurer le succès. »
C’est ainsi que l’Autorité de la concurrence introduit le projet de document-cadre sur les programmes de conformité aux règles de concurrence publié sur son site internet le 14 octobre dernier et qui fait l’objet d’une consultation publique pour une durée de deux mois.


Après avoir lancé une enquête sur ce sujet à l’automne 2007, qui fit l’objet d’un rapport en septembre 2008 destiné à déterminer les caractéristiques essentielles de tels programmes, l’Autorité saute le pas en encadrant ces programmes, s’appuyant notamment sur sa pratique décisionnelle.

L’objectif de l’Autorité de la concurrence est de permettre aux entreprises d’instaurer de tels programmes qui puissent être regardés comme des engagements substantiels, crédibles et vérifiables, condition sine qua non pour qu’ils confèrent à l’opérateur économique en cause une situation plus favorable dans l’hypothèse d’une procédure contentieuse ou précontentieuse.

Ainsi et sous réserve des adaptations nécessaires selon la taille de l’entreprise, les programmes de conformité devraient répondre aux exigences suivantes :
- l’existence d’une prise de position claire, ferme et publique des organes de direction et plus généralement de l’ensemble des dirigeants et mandataires sociaux sur la nécessité légale et morale de respecter les règles de concurrence ;
- l’engagement de désigner une ou plusieurs personnes spécialement chargées de la mise en place et du fonctionnement du programme ;
- l’engagement de mettre en place des mesures effectives d’information, de formation et de sensibilisation aux règles de concurrence ;
- l'engagement de mettre en place des mécanismes effectifs de contrôle, d’audit et d’alerte ;
- l’engagement de mettre en place un dispositif effectif de suivi et de sanctions ;
- l’objectif annoncé est ainsi de permettre aux entreprises ayant mis en place de tels programmes, d’une part, de limiter les risques d’infractions et, d’autre part, en cas d’infraction, de bénéficier d’une sanction réduite voire d’une absence de sanction financière.

Il est loin le temps des premières décisions où la mise en place d’une formation et la remise d’un guide de bonnes pratiques, sans autre sanction, suffisait à l’Autorité et cette exigence accrue ne peut être que bénéfique.

L’Autorité considère que la finalité des programmes de conformité (qui ne constituent qu’une obligation de moyen c'est-à-dire qu’ils ne sont destinés qu’à limiter les risques d’infraction et non à supprimer totalement ce risque) est de pouvoir bénéficier de la procédure de clémence.

Elle précise d’ailleurs qu’il est de la responsabilité des entreprises de présenter aussi rapidement que possible une demande de clémence, seule démarche qui soit cohérente avec leur engagement éthique en faveur de la conformité.
La procédure de clémence permet à une entreprise, impliquée dans une entente anticoncurrentielle, de dénoncer ladite entente en apportant des preuves nouvelles à l’Autorité de la concurrence. En contrepartie de cette assistance continue au cours de la procédure, la première entreprise faisant état de la pratique à l’Autorité bénéficie d’une exonération totale de sanctions pécuniaires. La seconde, dès lors qu’elle apporte des éléments de preuve dont l’Autorité n’avait pas encore connaissance, peut bénéficier d’une exonération partielle.

L’Autorité envisage également l’hypothèse où une entreprise, partie à une procédure, n’ayant pas de programme de conformité, prend l’engagement d’en mettre un en place. Cet engagement, pris dans le cadre d’une procédure de non contestation des griefs qui sont reprochés à l’entreprise, peut également permettre à celle-ci de bénéficier d’une sanction réduite.

La mise en œuvre d’un tel programme semble donc bénéfique à double titre pour une entreprise, sur un plan culturel d’une part, qui peut constituer un avantage concurrentiel en termes d’éthique et d’image par rapport aux fournisseurs, clients, autorités et sur un plan financier, d’autre part, en limitant les risques de sanction.

On pourra toutefois s’interroger sur l’absence de prise en considération du programme de conformité par l’Autorité comme une circonstance atténuante dans l’hypothèse où une procédure de clémence n’est plus ouverte.

Si l’on comprend bien qu’une entreprise ayant connaissance d’une pratique anticoncurrentielle grâce à son programme de conformité et qui décide de ne pas solliciter le bénéfice d’une procédure de clémence, ne puisse profiter de l’existence de son programme pour obtenir une réduction de la sanction, la situation est différente lorsque cette entreprise a voulu mais n’a pas pu bénéficier de la clémence, d’autres entreprises ayant déjà dénoncé la pratique à l’Autorité.

L’objectif du programme de conformité n’étant pas de supprimer les risques d’infraction, il n’est pas impossible qu’une entreprise, malgré un programme effectif et efficace, ne décèle l’existence d’une pratique illicite qu’après d’autres auteurs de cette pratique. Une PME sera-t-elle plus ou moins efficace qu’une multinationale dans la détection des infractions ?

Dès lors, le fait pour cette entreprise dont le programme répond aux exigences de l’Autorité, ne pas pouvoir bénéficier d’une réduction de la sanction pécuniaire, en complément de celle résultant de la non contestation des griefs, alors que la mise en œuvre d’un tel programme implique des coûts importants, semble problématique.

Le projet de document de l’Autorité précise qu’un engagement de mettre en place un programme de conformité ou de l’améliorer, dès lors qu’il ne correspond pas aux exigences rappelées plus haut, permet de bénéficier d’une réduction de sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 10%.

Cela paraît donc délicat d’accorder une réduction de sanction à une entreprise bénéficiant d’un programme non conforme et a contrario, de ne pas tenir compte d’un programme répondant aux exigences de l’Autorité.

Force est d’ailleurs de constater que l’organisme anglais de la concurrence (Office of Fair Trading) , qui a une plus grande pratique de ces programmes dit de « compliance » a publié le 26 octobre dernier un projet de lignes directrices sur les sanctions dans lequel il est précisé qu’un programme de conformité peut constituer une circonstance atténuante lors de la détermination des sanctions.

On ne pourra que se féliciter en revanche de l’absence de prise en compte de l’existence d’un programme de conformité comme circonstance aggravante. Cette appréhension serait contreproductive et n’inciterait probablement pas les entreprises à développer les programmes.

On pourrait penser que si la circonstance aggravante n’est pas retenue par l’Autorité de la concurrence, il est logique qu’il en soit de même pour la circonstance atténuante. Toutefois, la circonstance aggravante est indirectement, et justement, prévue par le Code de commerce qui dispose (Article L. 420-6) que la responsabilité pénale des personnes physiques ayant pris frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la pratique peut être engagée.

Dès lors, pourquoi ne pas faire profiter l’entreprise de bonne foi de ses efforts dans le développement d’une culture concurrentielle ?

L’initiative de l’Autorité de la concurrence pour encadrer les programmes de conformité ne peut être que saluée dans la mesure où une implication du régulateur est nécessaire pour la promotion d’une culture de la concurrence dans les entreprises. Reste à savoir si ce projet de document-cadre satisfera les acteurs économiques et les incitera à mettre en place de tels programmes. Elles ont jusqu’au 14 décembre 2011 pour faire part de leurs commentaires à l’Autorité.

Rédigé par Aymeric Gaultier le Mercredi 2 Novembre 2011

        

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