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Critères, sous critères et méthode de notation : à partir de combien de grains de sable a t-on à faire à un tas?


Il est acquis, pour les marchés publics, que les sous-critères sont traités comme des critères de sélection s’ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres ou sur leur sélection (CE, 18 juin 2010, Commune de Saint-Pal-de-Mons, req. n° 337377) : ils doivent être annoncées aux candidats de manière transparente. Il est, également, acquis que l’autorité signataire n'est pas tenue d’annoncer ses méthodes de notation des offres (CE, 31 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, req. n° 334279).
Une affaire récente réunie ces deux solutions. Le Conseil d’Etat avait à répondre à la question de savoir si une méthode de notation des offres de prix, appliquée bien que non annoncée aux candidats, relevait ou non de la catégorie des sous-critères constitutifs d’un critère (CE, 2 août 2011, Syndicat mixte de la vallée de l’Orge Aval, req. n° 348711).


Le syndicat mixte de la vallée de l’Orge Aval a lancé une procédure de passation pour l’attribution d’un marché public portant sur l’entretien et la réparation de groupes électrogènes, qui comprenait deux types de prestations : d’une part, l'entretien et la réparation des groupes électrogènes, pour lequel les candidats devaient proposer un prix forfaitaire ; d’autre part, des astreintes téléphoniques et de déplacement sur site pour dépannage évaluées à partir de prix unitaires par appel téléphonique et par déplacement, calculés différemment selon les horaires et les périodes.

Pour juger le critère du prix, le syndicat mixte a procédé à une « simulation » consistant à multiplier les prix unitaires proposés par les candidats au titre du second type de prestations par le nombre d’intervention envisagées (prix forfaitisé) puis à additionner le résultat obtenu au prix forfaitaire correspondant au premier type de prestations (prix forfaitaire).

Dans son arrêt, le Conseil d’Etat a jugé que « le syndicat mixte de la vallée de l'Orge Aval a mis en œuvre une simple méthode de notation destinée à évaluer ce critère, sans modifier ses attentes définies dans le règlement de la consultation par les critères de sélection et donc sans poser un sous-critère assimilable à un critère distinct ». Il a considéré que les éléments pris en compte par la méthode de notation n’étaient pas susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres ou sur leur sélection.

Et pourtant, il n’est pas certain que le classement des candidats eut été inchangé si le nombre d’interventions estimées avait été différent. En effet, dès lors que le résultat final est obtenu par addition du prix forfaitaire et du prix unitaire forfaitisé, la donne change selon que l’un ou l’autre pèse davantage dans l’opération. Ainsi, plus le prix unitaire forfaitisé est important, en raison d’une estimation élevée, plus les candidats ayant proposés des prix unitaires élevés sont sanctionnés. A l’inverse, si le prix unitaire forfaitisé est faible, ces mêmes candidats sont moins sanctionnés. Les candidats auraient-ils véritablement répondu de la même manière s’ils avaient connu la formule de la « simulation » qui allait grossir leur prix forfaitaire d’un complément, forfaitisant, pour les besoins de la notation, leurs prix unitaires ?

La méthode, si elle aboutit bien à une notation, a une incidence sur la présentation des offres et sur leur notation. Deux stratégies d’offre sont possibles. En supposant qu’il n’y ait pas de « simulation » (ce qui est une bonne supposition dans le silence du règlement de consultation) les candidats peuvent proposer des prix unitaires incluant une marge confortable ; les contraintes du forfait pouvant être lissées sur la rémunération à prix unitaires, en fonction de l’anticipation propre à chaque candidat de la survenance des besoins à satisfaire à prix unitaires. Ou, autrement, si les données de la « simulation » sont connues, l’incitation est en faveur d’une contraction des prix unitaires, en fonction du résultat forfaitisé destiné à être ajouté à l’offre à prix forfaitaire, selon les données annoncées par la « simulation ».

Si le syndicat mixte a pu procéder à cette « simulation », pourquoi l’hypothèse de volume retenue à cet effet, ne pouvait-elle pas être déterminée à l’avance dès et dans le règlement de consultation ?

Sans le savoir, les candidats ont confié leur sort à l’estimation des interventions, qui leur échappait totalement, puisque opérée a posteriori par le syndicat mixte. Est-on toujours dans la ligne des principes cardinaux de la commande publique…ou ceux-ci sont-ils sur le point d’évoluer ?

Rédigé par Laurent-Xavier Simonel, Benjamin Touzanne le Mercredi 7 Septembre 2011

        

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