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Antennes relais et principe de précaution : vers une mise en équation


Dans trois décisions rendues le 26 octobre dernier, le Conseil d’Etat a jugé que la réglementation des implantations des antennes relais relève de la seule compétence de l’Etat et non de celle des maires. Ces derniers pourtant entendaient intervenir par des arrêtés municipaux d’interdiction.


Certains droits réservés par Guillaume Vigier
Certains droits réservés par Guillaume Vigier
Il est absolument naturel et normal que nous soyons connectés à tous moments et en tous lieux, des profondeurs du métro parisien aux plateaux du Cantal. L’inverse est insupportable. Mais, tout en même temps, nous sommes d’une vigilance très vive à l’égard des questions de santé ou, pour faire simple, de tout ce qui touche à une aspiration continue au « mieux-être » (en bonne santé, sans pollution ni nuisance, dans le respect du développement durable et sans aucun risque du quotidien).

Répondant aux attentes pressantes de leurs administrés, plusieurs maires considèrent qu’ils tirent de leurs compétence de police générale destinées au maintien du bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, le pouvoir de décider l’interdiction de l’installation d’antennes de téléphonie mobile à proximité des lieux réunissant des populations dont la fragilité est présumée à raison soit de leur jeune âge soit de leur âge avancé. Les crèches et les écoles doivent être protégées de la sorte, peu important que la consommation et l’utilisation de terminaux bourrés d’électronique et inter-communiquant principalement par des modes électromagnétiques soient en croissance exponentielle et le fait d’un âge de plus en plus jeune ou de plus en plus avancé.

La force de la règle de droit public vient, pour beaucoup, de ce qu’elle repose sur un exercice constant de cohérence, de conciliation et de proportionnalité.

Le Conseil d’Etat vient de le démontrer par les trois décisions rendues par sa formation de jugement la plus solennelle (CE, assemblée, 26 octobre 2011, commune de Saint-Denis (n° 326492), commune de Pennes-Mirabeau (n° 329904) et SFR (n° 341767 – n° 341768)).

L’utilisation des fréquences radioélectriques et l’implantation des stations radioélectriques relèvent des compétences de l’Etat (ministre chargé des communications électroniques), d’une autorité administrative indépendante (autorité de régulation des communications électroniques et des postes) et d’un établissement public administratif de l’Etat (agence nationale des fréquences). Ces structures étatiques exercent une police administrative spéciale, notamment, en vue de la mise en œuvre de la recommandation du 12 juillet 1999 du conseil de l’Union européenne relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques.

Cette police spéciale prive les maires de toute compétence pour réglementer en la matière, même avec la bonne intention de protéger leurs électeurs contre les effets des ondes électromagnétiques, en dépit de l’absence de soutien d’une quelconque expertise technique et en s’en remettant seulement aux appels de la vox populi.

Reste que le principe de précaution posé dans l’ordre constitutionnel par l’article 5 de la charte de l’environnement, à laquelle le préambule de la Constitution fait référence, pouvait paraître offrir un instrument efficace pour les maires désireux d’agir contre ces antennes, qui sont toujours mieux installées sur le territoire de la commune voisine, pourvu que l’on puisse quand même continuer à téléphoner depuis sa ville.

Le Conseil d’Etat juge que : « le principe de précaution, s’il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions ; ».

Par conséquent, « la circonstance que les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques fixées au niveau national ne prendraient pas suffisamment en compte les exigences posées par le principe de précaution n’habilite pas davantage les maires à adopter une réglementation locale portant sur l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes. »

Voici tranchée une question importante : le principe de précaution n’ouvre pas un espace interstitiel propice à l’expression libre de chaque autorité publique, qui y trouverait la clé permettant de s’affranchir du périmétrage de ses compétences. Si la poursuite du « mieux-être » en sera, peut être, moins bien servie, la cohérence de l’action publique s’en trouve heureusement renforcée.

Rédigé par Laurent-Xavier Simonel le Jeudi 27 Octobre 2011

        

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